Cet autre regard

Quelques mots de Bertrand Hagenmüller et Bernard Benattar, co-auteurs du film…


Pourquoi un film sur le métier de soignant ?

Depuis 4 ans nous intervenons auprès des soignants d’Ehpad pour questionner avec eux la philosophie de la bientraitance. Ces nombreuses rencontres nous ont donné à voir un métier d’une incroyable humanité… attention, écoute, habileté, tendresse… les qualificatifs manquent pour décrire les qualités requises pour exercer ce métier.

Dans ce quotidien des soignants toute solution semble éphémère, toute certitude vacillante, rendant impossible d’appliquer à la lettre les protocoles de soin.  En réalisant ce documentaire, nous avions aussi le désir de mettre en avant un « lieu de pensée », qui ne se limite pas au déclin des corps et aux errances de la raison mais qui fait une grande place aux échanges philosophiques entre résidents et soignants sur la liberté, le mensonge, la mort ou encore l’audace et la joie.


Comment s’est passé le tournage ?

Nous avons été remarquablement accueillis. On nous a fait confiance, ouvert les portes sans condition. Comme si chacun y voyait un moyen de témoigner « enfin » en profondeur de son métier  et non pas uniquement à la suite d’une crise ou d’un scandale.

Pendant un mois nous avons filmé dans trois établissements différents auprès de quatre soignants. Nous avons partagé avec eux leurs questionnements, leurs doutes, leurs désirs… Nous avons été surpris souvent de la profondeur des échanges sur le sens de la vie, la liberté, la vieillesse, la mort qui approche. Nous avons été émus aussi par la force réciproque des liens entre soignants et résidents. Mais faire un film c’est aussi s’attacher à des personnages, raconter une histoire à la portée universelle, ne pas chercher à être « représentatif » mais « parlant ». Dans les unités Alzheimer, il y a ce qui se dit sans parole, les visages qui se cherchent, la lenteur nid de la tendresse. Mais il y aussi le rythme soutenu pour que les tâches se fassent, la tension face aux délires sans issue de résidents, et l’audace encore pour que la joie perdure. Nous avons voulu retranscrire ce quotidien, parfois douloureux, souvent lumineux. Loin de l’ambiance « hôpital » nous avons privilégié les couleurs chaudes, les plans serrés sur les visages et les mains… au plus près, au plus chaud de ces relations de proximité. 


A qui s’adresse le film ?

A tout le monde évidemment ! Bien sûr, ce genre de film documentaire peut effrayer, car nous sommes tous plus ou moins concernés par le sujet et on comprend aisément qu’il puisse susciter des réticences.

Nous n’avons pas la prétention avec ce film de dire la vérité, mais juste le désir de montrer le plus largement possible une part de vérité. Celle qui met en lumière le parler-vrai, la caresse, et l’envie de rester vivant, pleinement vivant jusqu’au bout  Pour cette raison il est urgent que le grand public ait accès à ce métier de soignant, pour mieux comprendre, pour mieux interroger aussi ; il est urgent d’apporter un éclairage différent dans le débat public sur les maisons de retraite et en particulier les unités Alzheimer. Non pas pour prétendre que « tout va bien » mais pour se rendre compte que certaines choses sont encore belles, précieuses, possibles… et s’en faire une source d’inspiration pour repenser notre rapport au prendre soin des personnes âgées dépendantes.